Chlorophylle et hémoglobine


On lit souvent que la chlorophylle et l’hémoglobine sont similaires et qu’un seul atome les différencie : le fer qui donne au sang humain sa couleur rouge et le magnésium qui donne à la chlorophylle sa couleur verte.

Cette idée semble séduisante et donne un sentiment de cohésion voire de symbiose entre règne animal et végétal… Mais cela est fortement réducteur et la réalité est moins poétique.

D’abord, ce n’est pas la molécule de l’hémoglobine qui ressemble à celle de la chlorophylle mais celle de l’hème ce qui est logique puisque la chlorophylle (j’y reviendrai un peu plus loin) et l’hème sont toutes deux des porphyrines, plus ou moins...

 

Commençons l'explication... 

De façon générale, les porphyrines sont des corps cycliques formés de quatre anneaux pyrroliques et dont l’une des principales propriétés est de former des complexes avec les ions métalliques (hème, cytochrome, catalase, chlorophylle…).

Les porphyrines sont des pigments d'un très grand intérêt biologique. Elles constituent une partie fonctionnellement essentielle de certaines macromolécules protéiniques indispensables aux processus d'oxydation.

 

On retrouve une porphyrine combinée au fer (l'hème donc) : 

- dans l’hémoglobine et la myoglobine chez les animaux (dont nous faisons partie je te le rappelle), qui permet de transporter le dioxygène des poumons vers tous les organes et tissus du corps et de favoriser les échanges gazeux au niveau musculaire ; 

- dans la catalase et les peroxydases, capables de catalyser respectivement le transfert de l'oxygène moléculaire et celui de l'oxygène atomique détachés d'un substrat ; 

- dans les cytochromes qui fonctionnent dans la chaîne respiratoire intracellulaire comme transporteurs d'électrons et notamment les cytochromes P450 qui sont des enzymes chargées d’éliminer les substances étrangères à l’organisme.

 

Dans la molécule de la vitamine B12 figure une porphyrine qui contient un atome de cobalt.

 

Une porphyrine combinée au cuivre peut « activer » l'hydrogène et intervenir comme catalyseur dans les réactions d'hydrogénation. On a même retrouvé des porphyrines contenant du cuivre dans le sang vert de certains crustacés.

 

Il existe d'autres molécules basées sur la porphyrine contenant des métaux tels que : manganèse, nickel, zinc.

L’ensemble de ces activités font des porphyrines des molécules très étudiées depuis plus d’un siècle.

 

Or, et c'est là que cela devient intéressant, le groupement prosthétique de la chlorophylle et de la bactériochlorophylle, agents de la photosynthèse, est une forme dérivée de porphyrine, la chlorine, renfermant un atome de magnésium.

 

Comme tu le constates, on trouve donc les composés porphyriniques, remplissant des fonctions physiologiques fondamentales, dans toutes les cellules vivantes, aussi bien végétales qu'animales. Aussi admet-on en général que les porphyrines et leurs dérivés constituent les premiers maillons de la chaîne évolutive qui, synthétisés dans des conditions terrestres primitives par voie abiogénétique (non enzymatique) à partir des composés organiques simples, ont rendu possibles la naissance et l'évolution des êtres vivants.

Le complexe formé (porphyrine couplée à un ion métallique : on parlera de métallo-porphyrine) possède donc des propriétés tout à fait particulières mises à profit dans diverses activités biologiques.

Sache qu’il est possible d’insérer au centre de la cavité formée un ion métallique. Si cette insertion se fait, dans la nature, directement par les organismes vivants (biosynthèse), elle peut aussi être réalisée par les chimistes.

Tu vois déjà que ces porphyrines ne sont pas uniquement présentes dans l'hémoglobine ou la chlorophylle. D’autant que, pour la chlorophylle, nous n’avons pas une métallo-porphyrine mais une métallo-chlorine (d’où le nom de chlorophylle d’ailleurs).

Porphyrine

Chlorine


Mais allons plus loin… Tu me suis toujours ?

 

Le sang est composé, comme tu le sais, en partie de globules rouges.

Source : donnersonsang.com

L'hémoglobine est une molécule de protéine présente dans les globules rouges et qui a pour rôle de transporter l'oxygène des poumons vers les tissus du corps et le gaz carbonique des tissus vers les poumons mais joue également un rôle important dans le maintien de la forme des globules rouges.

L’hémoglobine est composée de quatre molécules de protéines, appelées globulines, qui sont reliées entre elles.

La molécule d’hémoglobine adulte normale (HBG) est composée de deux chaînes alpha-globulines et deux chaînes bêta-globulines.

Chaque chaîne de globulines contient une importante structure centrale appelée la molécule hème (Ah ! enfin !). Cette molécule hème contient du fer, on l’a vu, qui est vital dans le transport de l'oxygène et du dioxyde de carbone dans le sang. Tu te souviens que ce fer est également responsable de la couleur rouge caractéristique du sang.

 

Qu’en est-il dans la chlorophylle ?

On pourrait penser que la chlorophylle est constituée de chlorines contenant du magnésium et le tour serait joué… Pas vraiment.

 

À la différence des animaux, la plupart des végétaux possèdent des plastes. Il existe quelques exceptions : les champignons ou mycomycètes en sont dépourvus.

Les plastes sont distincts des mitochondries des cellules animales par leurs tailles, leurs structures et leurs fonctions. On distingue les leucoplastes non pigmentés, les chromoplastes riches en caroténoïdes, et les chloroplastes. Ce sont ces-derniers qui nous intéressent…

Les observations au microscope électronique montrent que ce sont uniquement au niveau des thylakoïdes que se trouvent les pigments chlorophylliens.

 

Alors, tu vas me dire : « D’accord, j'ai compris ! Ces pigments sont nos chlorines ! ». Et j’aurais envie de te dire oui… mais non.

La chromatographie montre qu'en réalité la chlorophylle est un mélange de plusieurs pigments :

- Carotène (orange)

- Xanthophylles (jaune)

- Chlorophylle a (jaune vert)

- Chlorophylle b (bleu vert)

 

La chromatographie est la technique d’analyse des mélanges la plus utilisée.

Ici, on a une chromatographie de partage. Le papier à chromatographie (papier Whatmann) absorbe le solvant qui monte sur la bande de papier. En montant, le solvant passe sur la tache de chlorophylle brute et va dissoudre les différents constituants de ce mélange.

Les différents pigments sont donc entraînés en fonction :

- de leur solubilité dans le solvant (les plus solubles partent le plus vite)

- de leur poids moléculaire (les plus petites molécules partent plus facilement).

Le résultat de la chromatographie est la combinaison de ces deux facteurs. Après un certain temps de migration les différents constituants du mélange sont donc séparés.

Bilan, la chlorophylle brute est un mélange de pigments, localisés dans la membrane des thylakoïdes des chloroplastes.

Mais alors pourquoi la chlorophylle brute est-elle de couleur verte ?

À cause des chlorines à ion magnésium bien sûr dans les chlorophylles a et b, mais aussi du nombre de doubles liaisons conjuguées des molécules de chlorophylle a et b.

Pour faire simple, ces doubles liaisons sont à l’origine de l’absorption de la lumière à certaines longueurs d’ondes déterminées et, donc, de la couleur particulière de chaque pigment végétal. Ainsi, pour résumer, la longueur d’onde de la lumière absorbée augmente lorsque le nombre de doubles liaisons conjuguées augmente ce qui explique que tous les végétaux n’aient pas la même couleur verte…

Alors, franchement, dire que l'hémoglobine et la chlorophylle ne sont distincts que par un seul ion, c’est pas un peu réducteur ça ?

 

Herbalistiquement,